Ici est reproduit un article Matthieu Ecoiffier paru dans le Libération.
Aujourd'hui, samedi, à la marche des transsexuel(les) à Paris, il y aura une minute de silence. En mémoire de Mylène, 38 ans, décapitée et mutilée à Marseille au printemps, un meurtre qui n'a pas alerté l'opinion publique. «Sans compter les deux agressions hebdomadaires de trans au bois de Boulogne dont on ne parle jamais», dénonce Axel Léotard, militant d'Act-Up. «Trans oubliées, trans assassinées», «Psychiatrisé(e)s, discriminé(e)s, contaminé(e)s», vont rappeler les banderoles. Pour la neuvième marche —baptisée «Existrans»—, la colère est à la mesure de l'exclusion endurée. La «transphobie» ayant été exclue de la loi sur les discriminations, aucun recours n'a été jugé recevable par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations. Après moult atermoiements, une délégation devrait être reçue par Azouz Begag, ministre délégué à l'Egalité des chances. En cette année de «sida grande cause nationale», il s'agit pour la dizaine d'associations trans de demander une étude épidémiologique. L'objectif est double: évaluer le taux de contamination du VIH pour obtenir que les trans ne soient plus exclus des messages de prévention. Mais aussi se compter: «On ne sait pas combien de trans il y a en France. Le seul chiffre —de 700— est celui des personnes opérées dans les services spécialisés des hôpitaux. En Hollande, une étude estime qu'il y a une personne transsexuelle pour dix mille habitants. A partir de ce chiffre et de notre expérience associative, on estime à 60 000 les trans en France», rappelle Hélène Hazera d'Act-Up. Seule une minorité, environ 10%, va jusqu'à l'opération. Mais quasiment tous sont confronté(e)s aux violences physiques, sociales et psychiatriques: «Aux Etats-Unis, en Espagne ou en Italie, on peut dire: je suis transgenre, mais je ne veux pas aller jusqu'à la vaginoplastie et bénéficier d'un suivi médical. En France, on est un pervers», accuse Axel Léotard. Pour le mouvement, l'essentiel est d'arriver à une dépsychiatrisation de la «trans-identité». En 2005, selon la classification psychiatrique internationale, «on est encore des CM4[1]», rappelle Axel Léotard. Des malades mentaux, comme c'était le cas des homosexuels jusqu'en 1980.
Matthieu ECOIFFIER
Libération, samedi 01 octobre 2005 (Liberation - 06:00).
[1] Plutôt que «on est encore des CM4», lire «on est encore dans le DSM4». Le DSM est un manuel de psychiatrie étasunien qui fait référence dans le monde. La transidentité y est classée parmis les maladie mentales.
Mis en ligne le 08/10/2005.