La biologie du sexe est devenue sujet de polémique à l'heure où les parents, les médecins et les chercheurs réévaluent la signification du fait d'être un homme ou une femme.
Patrick a pris un bon moment avant de naître —deux semaines pour le passage des voies génitales— au moment de sa naissance, les infirmières l'ont enveloppé de couvertures et l'ont sorti en toute vitesse de la salle d'accouchement. L'hôpital situé à Jacksonville en Floride a caché le nourrisson de 8 livres et de 20 pouces et demie de longueur à l'arrière de la salle des soins intensifs derrière des rideaux tirés. Un médecin après l'autre est venu le voir. L'enfant avait un pénis bien défini mais avec une ouverture à la base au lieu d'être au bout. Il avait seulement un testicule mais il produisait beaucoup de testostérone. Dans la plupart de ses cellules, le bébé n'avait aucun chromosome Y, celui qui contient les instructions génétiques pour que le corps se développe en tant que sexe masculin. Les médecins ont assuré la mère adoptive, Helena Harmon-Smith, que Patrick était une fille. Ils voulaient enlever les parties offensantes tout de suite. Mais madame Harmon-Smith avait vu Patrick en érection plusieurs fois. «Vous ne découpez rien de ce qui fonctionne» a-t-elle protesté. Les autorités ont vérifié les organes reproducteurs internes de l'enfant et ont continué à insister pour dire que l'enfant serait mieux en fille. Sa mère a refusée. On a fait d'autres examens. Après 11 jours, 20 médecins sont entrés en file indienne dans une salle de conférence de l'hôpital et ont solennellement annoncé qu'ils permettraient à la famille d'élever Patrick en garçon. «Nous l'avons mis dans un petit smoking et l'avons emmené chez nous» rapporte madame Harmon-Smith.
Deux mois et demi plus tard, le docteur de Patrick a averti sa mère que le testicule du garçon était vraiment un ovotestis qui contenait du tissu ovarien, et qu'il était probablement malin. Il devait être enlevé —comme celui déjà pris de son abdomen. Sa mère était finalement d'accord pour une biopsie, juste au cas où. Quand le chirurgien est retourné de la salle d'opération, il a dit que la gonade était malade et qu'il l'avait enlevée chirurgicalement. Pendant plus d'un mois, madame Harmon-Smith a insisté sans relâche pour que le docteur lui donne accès au rapport de pathologie. Une fois qu'elle l'a obtenu, «la première chose que j'ai lue était “testicule normal, sain”. Mon cœur s'est arrêté. Je ne pouvais pas m'empêcher de pleurer» a-t-elle dit. Agé aujourd'hui de cinq ans et dans sa première année d'école, Patrick ne pourra jamais produire de sperme.
«Mon fils est maintenant un eunuque non-fonctionnel. Avant, il pouvait fonctionner en tant qu'homme», dit madame Harmon-Smith. «Je pense que le docteur ne se souciait pas de lui. Selon lui et sa logique, mon enfant était un hermaphrodite et ainsi tout devrait être enlevé.»
Travaillant en cachette et refusant de parler ouvertement du secret, les urologues pédiatriques et d'autres spécialistes décident ce que sont les qualifications minimums pour la virilité et corrigent tous les bébés avec des organes génitaux ambigus —connu en tant qu'“intersexué-e-s”— pour que les parents puissent dire aux autres personnes que leur enfant est un garçon ou une fille. Agissant comme sous les pressions d'une urgence médicale, ils décident si le bébé a un micropénis ou un clitoris hypertrophié et entreprennent une intervention chirurgicale pour s'assurer que c'est l'un ou l'autre —parfois même sans dire la vérité aux parents au sujet de leur enfant, et rarement vont-ils révéler quoi que ce soit à l'enfant durant toute son enfance et plus tard en grandissant. Le protocole qui sert de point de repère aux médecins est une théorie fondée par le sexologue John Money en 1955 et selon laquelle les enfants sont neutres psychosexuellement à la naissance. Donc si le chirurgien sculpte les parties génitales trop petites ou trop grandes, brouillant le sexe de l'enfant, afin de lui assigner un des deux sexes dans un délai de quelques mois après sa naissance, l'enfant grandira en développant une identité psychosexuelle normale.
Mais il y a de plus en plus d'évidence que l'identité sexuelle n'est pas facile à contrôler. Les études et les recherches plus récentes ont démontré que la division biologique entre le sexe féminin et le sexe masculin n'est pas claire ni même stable. La simple présence d'un chromosome Y —considérée par beaucoup de personnes comme la preuve la plus solide de la virilité— ne suffit pas pour faire un homme et les robes froufroutantes qu'on met sur le corps de la petite fille ne peuvent pas toujours contenir le petit garçon qui se cache à l'intérieur d'elle même.
Les questions ne sont pas limitées aux salles d'accouchement des hôpitaux. Des arènes de sports aux laboratoires des généticiens, les experts luttent pour trouver de nouveaux moyens de définir et de décrire la biologie du sexe. Quelques membres de la communauté médicale commencent à douter de la logique des chirurgies des enfants en bas âges, avant que l'enfant ait une chance d'atteindre la puberté et de développer son propre sens de l'identité et de donner son consentement. Plus tard ce mois-ci, des chirurgiens universitaires et urologues pédiatriques se réuniront à Dallas pour débattre des questions psychologiques, hormonales, chirurgicales et pratiques du traitement des intersexué-e-s. Leurs discussions sont susceptibles de devenir chaudes.
Depuis les années 60, la plupart des médecins confrontés avec un bébé comme Patrick exciseraient probablement son pénis et ses testicules peu de temps après la naissance et l'appelleraient une fille. S'il avait un chromosome Y, ils pourraient garder le pénis mais après reconstruction de l'urètre pour atteindre le bout de l'organe. S'il avait deux chromosomes XX comme la plupart des filles, mais un clitoris hypertrophié qui pourrait être confondu avec un pénis, ils le raccourciraient chirurgicalement. Ou même s'il avait les chromosomes qu'on associe le plus souvent avec les garçons (XY) mais un pénis très petit, on l'enlèverait. Les chirurgiens sont certains que la vie sans parties génitales appropriées est impossible et, aussi récemment que l'année dernière, un article dans la revue Pediatric Nursing a suggéré que les médecins doivent considérer comme un cas d'abus d'enfant le fait que des parents refusent la “normalisation” génitale de l'enfant.
Katherine Rossiter, l'infirmière pédiatrique qui a écrit l'article dans l'édition de janvier-février 1998 de la revue pour les infirmières, affirme que les activistes intersexes sont une toute petite minorité, quoique très bruyants, et que permettre à un bébé avec un pénis minuscule et sans testicule de grandir en garçon, plutôt que de lui assigner un sexe féminin, pourrait lui nuire irréparablement. Elle admet, par contre, que d'avoir «écouté les arguments de vraies personnes concernées» a un peu déstabilisé sa conviction. «Mes pensées là-dessus sont devenues de plus en plus floues», dit-elle.
La littérature médicale et les opinions des spécialistes sont de plus en plus divisées. «Dans certains cas, cela aboutit à une tragédie humaine —cela aurait probablement été préférable de ne pas avoir changé le sexe de cet enfant en particulier. Parfois, cependant, on se trouve devant des cas où il vaut mieux attribuer le sexe opposé» dit Raymond Hintz, un endocrinologue et professeur de pédiatrie à l'Université de Stanford. «C'est parfois justifié, mais ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire à la légère.»
William Cromie, urologue pédiatrique de Chicago qui détient le poste de secrétaire et de trésorier de la Société pour l'Urologie Pédiatrique, souligne que le traitement approprié se fonde sur les avis soigneusement considérés des parents avec ceux des spécialistes en déontologie, des endocrinologues, des pédiatres et d'autres spécialistes. Jusqu'à 30 conditions peuvent mener à considérer un enfant comme intersexué-e. «Ce n'est pas une décision arbitraire ou capricieuse prise par une personne», dit-il. «Vous essayez de prendre la meilleure décision —d'habitude on prend une telle décision après consultation avec plusieurs personnes bien réfléchies. C'est un domaine qui est d'une extrême complexité et les non professionnels ne sont tout simplement pas capables de comprendre.» Malgré leurs intentions bienveillantes, les médecins qui font des opérations sur les enfants intersexué-e-s se servent d'un petit outil bien connu avant de prendre une décision. La première mesure de virilité est une règle: si un pénis a moins de 2.5 centimètres de longueur à la naissance, il ne peut être considéré comme un pénis et s'il a plus que 0.9 centimètre de longueur, il ne peut pas être qualifié de clitoris non plus. Tout ce qui tombe dans la zone intermédiaire entre 0.9 et 2.5 centimètres doit être obligatoirement réparé. Et puis, on doit aussi prendre en compte l'emplacement de l'ouverture de l'urètre, qui doit être dans le bon endroit —les hommes ne font pas pipi assis. Un pénis courbe doit également être corrigé.
Pour qu'un garçon soit un garçon, il doit avoir deux testicules juste au-dessous d'un pénis droit et seulement une ouverture en bas. Si les parties génitales font défaut, un urologue pédiatrique attribuera presque toujours le sexe féminin à l'enfant, enlèvera toute partie qui dépasse un peu trop et prescrira de l'œstrogène à la puberté. Un chirurgien doué peut construire un vagin en utilisant un morceau du colon de l'enfant, bien que la femme qui le possède n'éprouvera jamais de sensation sexuelle.
Hale Hawbecker a échappé de justesse à un tel pronostic. Quand il est né en 1960, ses médecins, consternés par son petit pénis parfaitement formé et testicules internes, ont voulu lui attribuer le sexe féminin. Ses parents ont refusé, ne comprenant pas l'angoisse des médecins. «Dans ce pays être un homme c'est appartenir à un club très fermé et réservé seulement à ceux qui satisfont à des critères très rigides.» dit Hawbecker, maintenant un avocat de Washington qui prépare un recours légal contre les interventions chirurgicals sur les enfants intersexué-e-s pendant son temps libre. «Il n'importe pas si vous êtes XY. Si votre pénis est trop petit, vous le perdez.»
Hawbecker nous dit que la taille de son pénis et de ses testicules absents, enlevés dans l'enfance, n'affectent pas sa capacité d'aimer et de faire l'amour avec son épouse. «J'aime bien les rapports sexuels et j'en profite autant que possible. Vous devez être créateur et pas aussi concentré sur les parties génitales», dit-il. Quant à son propre plaisir, il affirme que «mon pénis fait tout que vous vous attendiez à ce qu'un pénis fasse —il est simplement petit».
Hawbecker nous dit qu'il pense comme un homme et qu'une fois habillé, il a l'apparence typique d'un homme aussi. Mais, il ajoute «je crois que je ne me suis jamais vraiment senti comme si je me rangeais de manière ordonnée dans le camp des gars. J'aime faire la cuisine. J'aime bien m'occuper des tâches domestiques. Je déteste les Trois Stooges (vielle émission de télévision comique) et je n'aime pas le football». Souvent, il pense à la femme qu'il aurait pu devenir; là où elle serait en ce moment. «Je pense qu'elle serait bien. J'aurais pu aussi être “fille”. Je pourrais être heureux ainsi également. C'est ce qui est époustouflant.»
La littérature médicale indique qu'environ un enfant sur 2 000 naît comme Hawbecker ou Harmon-Smith avec des variations des parties génitales et des gonades ou avec des hormones sexuelles qui ne correspondent pas aux organes sexuels. Environ une fille sur 1 000 a trois chromosomes X au lieu de deux; il y a des personnes qui ont jusqu'à quatre chromosomes X et deux Y en plus. Il y a des femmes qui ont le visage poilu et des hommes qui sont imberbes. La taille des seins, le timbre de la voix et la forme du corps, les critères les plus habituels, peuvent également contredire l'identité chromosomique.
«L'essentiel de tout ça n'est pas simple», dit Alison Jolly, une biologiste évolutionniste de Princeton qui étudie des lémurs au Madagascar. «C'est beaucoup plus compliqué que les gens ne l'admettent.» Pendant les premières semaines de vie, chaque embryon humain développe les organes des deux sexes, les bases pour des ovaires et des testicules. A environ huit semaines, une série d'événements chimiques déclenche la désintégration de l'un ou l'autre appareil reproducteur. Une semaine plus tard, les organes génitaux externes commencent à se former —et habituellement, de façon conforme à l'appareil reproducteur interne.
Tout ceci semble être déclenché par un petit endroit sur le chromosome Y appelé le SRY, en anglais “sex-determining region, chromosome Y”, en français, les scientifiques ont surnommé “l'interrupteur central”, la région sur le chromosome Y qui détermine le sexe. Commutez-le, disent-ils, et une série d'événements contrôlée principalement par des gènes sur le chromosome X mène au développement de testicules et à la production d'hormones masculines. Sans SRY, les femelles continuent sur une voie de développement que les biologistes moléculaires ont surnommée la voie de “défaut”. En février, cependant, des chercheurs ont rapporté la première évidence d'un signal actif qui stimule le développement du sexe féminin aussi. Naturellement, il y a beaucoup d'autres évènements en cours —dont on ne comprend pas grande chose. Un lavage d'hormones amorce le cerveau pour un sexe ou l'autre, cependant pas toujours le même que celui indiqué par les organes génitaux à la naissance. Jolly suggère qu'on ferait mieux de regarder le sexe comme un phénomène statistique —un inventaire des caractéristiques qui, une fois tracé sur un graphique, ressemble à deux bosses de chameau. Un ensemble de caractéristiques tend à être perçu comme masculin et l'autre comme féminin. La section qui est entre les deux bosses est aussi normale que les régions périphériques du “super-macho” et de la “super-fem”[1]. Dès l'antiquité classique jusqu'à la Renaissance, les anatomistes pensaient qu'il n'y avait qu'un sexe et que c'était le sexe masculin. Les corps de sexe féminin étaient simplement le reflet inverse d'un corps d'homme —le vagin étant un pénis inversé; les ovaires, des testicules intérieurs. Au 18e siècle, l'idée de deux sexes séparés a pris racine. Et plus récemment en 1993, Anne Fausto-Sterling, biologiste et théoricienne féministe de bonne renommé de l'université Brown, a fait scandale quand elle a proposé que les sexes masculin et féminin ne suffisaient pas. En blaguant, elle a démontré la nécessité de cinq catégories en tout.
Quelques personnes ont sauté sur l'occasion d'une telle idée comme une révélation qui pouvait finalement expliquer leurs propres corps. D'autres ont jugé que sa thèse allait trop loin. Fausto-Sterling a fait le commentaire que ces personnes l'avaient lue de façon trop littérale. Elle a abandonné la proposition —qui en fin de compte n'était qu'un défi pour que les gens pensent différemment le sexe— et veut maintenant éliminer le terme de notre vocabulaire. «Il n'y a aucun sexe; il n'y a que le genre», dit Fausto-Sterling. Fausto-Sterling soutient que les découvertes scientifiques au sujet du fonctionnement de nos corps tirent leur origine du contexte culturel et que les termes comme “interrupteur central” pour designer la virilisation de l'embryon et “voie par défaut” pour parler de la féminisation se servent des modèles linguistiques déjà en cours dans le contexte socioculturel des chercheurs. Lorsqu'ils sont confrontés à un manque de clarté, les chirurgiens sortent leur règle et font un choix. «Il y a un ensemble de décisions par lesquelles nous allons convenir socialement ce qui est un pénis. Comment nous organisons la variabilité continue que la nature nous offre est le genre», dit Fausto-Sterling. «Ce que nous appelons la vérité du corps est également une vue culturelle du corps visionné à travers un objectif scientifique.»
Les interprétations scientifiques et sociales sont de plus en plus compliquées et controversées. Le Comité olympique international s'est trouvé au centre de l'incertitude. Le premier choc est venu quand Hermann Ratjen, qui a couru comme Dora Ratjen pour l'Allemagne dans les années 30, a admis en 1957 qu'il s'était déguisé sur demande du mouvement nazi de la jeunesse. Ainsi en 1966, pendant que les occasions pour que les femmes concurrencent augmentaient rapidement, un jury a commencé à examiner les athlètes féminins pour déceler les ouvertures vaginales, les clitoris trop gros, un pénis ou des testicules. A partir de 1968, le test des chromosomes a remplacé ces “défilés de nues”, et en 1992, un moyen plus sophistiqué pour déceler le gène SRY a été adopté. Mais pendant que la technologie avançait, la confusion progressait aussi.
Cinq femmes sur 2 406 ont eu des résultats de “sexe masculin” dans les Jeux Olympiques 1992 de Barcelone. Huit femmes dans les jeux 1996 d'Atlanta n'ont pas passé le test comme femmes. En février, la Commission des athlètes du Comité international de Jeux Olympiques a encouragé son organisation mère à éliminer complètement l'analyse de sexe et de remplacer ses tests par l'observation des athlètes pendant qu'ils urinent pour leur contrôle de dopage pour déceler tous les imposteurs possibles.
L'anatomie, les gonades, les hormones, les gènes, l'éducation, l'identité et même les suppositions des autres jouent un rôle dans le sexe d'une personne. «Choisir seulement un facteur, le sexe génétique, parmi toute une série de facteurs pour déterminer le sexe d'une personnes n'est pas exact scientifiquement», dit Arne Ljungqvist, chef de la Commission anti-dopage de la fédération internationale d'athlétisme amateur.
Les femmes et les hommes dans les sports ont commencé à accepter une définition plus large de ce qu'est une “femme”, acceptant celles avec des variations chromosomiques et parfois même avec des testicules. Les activistes intersexué-e-s espèrent que les spécialistes pédiatriques aussi arrêteront de s'inquiéter pour ce que contiennent ces supports chromosomiques —et en effet, certains le font déjà.
William Reiner, qui a été chirurgien urologue, est rentré à l'université après avoir vu et entendu les témoignages de la misère des enfants vivant avec les résultats de la chirurgie de normalisation sexuelle. Maintenant, psychiatre pour enfants à l'université de Johns Hopkins, il croit que l'organe sexuel le plus important est le cerveau. Reiner n'accepte pas la théorie qui place le sexe biologique sur un continuum; en fait, il pense que le sexe est tout à fait binaire. Ce qui fait que c'est encore plus rationnel d'arrêter toute application agressive, dit-il. Allez-y et attribuer un sexe à la naissance, suggère-t-il, mais en fin de compte, les garçons seront des garçons, les filles seront des filles, et elles savent ce qu'elles sont mieux que n'importe quel parent ou docteur. Quelques chirurgies sont médicalement nécessaires et beaucoup semblent s'avérer le bon choix. Reiner espère éclaircir un peu les mystères entourant le sujet en suivant les vies de 700 enfants nés avec des parties génitales atypiques, dont 40 ont eu un réassignement de sexe à la naissance. «Les enfants vont nous dire les réponses à nos questions», indique-t-il. Cheryl Chase pense qu'elle le sait déjà. Elle a fondé un réseau qui est devenu l'Intersex Society of North America, c'est un groupe de 1 400 personnes dont l'anatomie n'est pas conforme à l'idéal binaire. Née avec du tissu ovarien et testiculaire, Cheryl a commencé sa vie comme Charlie mais les médecins ont décidé plus tard que ce serait préférable qu'elle soit une fille parce qu'elle était potentiellement fertile et qu'elle avait un pénis court. Ses parents ont changé son nom, ont jeté toutes les photographies et les cartes d'anniversaire et ont fait enlever son clitoris quand elle avait 18 mois. On lui a enlevé son ovotestis à l'âge de 8 ans. Elle était dans la vingtaine et vivait en tant que lesbienne dans les années 70 quand elle a découvert la vérité au sujet de sa naissance et de sa vie en tant que garçon —ce qui lui donnait l'impression d'être un imposteur dans sa propre communauté. Et pour elle, comme pour beaucoup d'autres qui ont été opérés sur leurs parties génitales, les parties qui manquent et les cicatrices rendent les rapports sexuels plus douloureux qu'agréables.
L'Intersex Society ne s'oppose pas à une attribution de sexe à la naissance. Au lieu de cela l'Intersex Society —et maintenant quelques spécialistes médicaux— encouragent les parents et les médecins à s'abstenir de la chirurgie et à être ouverts à la possibilité de changement d'identité sexuée plus tard.
Mais Chase, quant à elle, n'attend pas que la culture rattrape la réalité biologique. «Je suis concentrée sur les changements pratiques qui viennent rapidement, pas sur le miel de l'autre monde», assure Chase. «Je préfère de loin garder mon clitoris que d'avoir une autre case à cocher sur les formulaires officiels.» Helena Harmon-Smith, la mère de Patrick, dit qu'elle veut qu'on permette à des enfants comme son fils de prendre leurs propres décisions —et plus que n'importe quoi, être reconnu comme des personnes authentiques. «Mon fils était un des rares qui était chanceux —parce qu'il est techniquement les deux. Il peut être garçon ou fille», dit-elle. Elle ne pardonnera jamais au docteur de Patrick d'avoir fait le choix pour lui.
salon.com, le 5 avril 1999.
Sally Lehrman.
Traduit de l'anglais en français par Curtis Hinkle et Lucie Gosselin de
l'OII.
Traduction légèrement révisée par Tom Reucher.
[1] Femme très féminine. Tout comme le “super macho” est un homme très masculin. Ce sont presque des “carricatures”, tellement cela semble performatif.
Mis en ligne le 15/12/2005.